Les dormants
Série Les dormants, 2016. Gravure et monotype sur papier.
Il est des abricotiers qui ne donnent rien
pas un fruit pas un oiseau pas une branche
il est des arbres comme des humains
des branches sèches des cœurs pareils
le dimanche nous promenons nos corps fatigués
dans les forêts les lieux boisés
sous les chênes les hêtres dans les futaies
nous étalons nos vies de famille
nos sourires satisfaits
des chiens à nos trousses
les marmots par deux parfois trois
courent devant nous et trébuchent sur des racines vives
nous couvrons nos nerfs de coton
enfouissons sous nos promesses nos lâchetés d'Homme
la petite femme surprise d'être seule dans un lieu vide
un lieu déserté
comme au matin du premier jour
se replie jambes et bras entremêlés
et hurle sa présence au monde
puisque pas un regard pour la vivre
sa voix ricoche dans l'éternité
ah les épousailles superbes que voilà
ah comme ils sont assortis
lui jeune et beau ténébreux elle jeune et belle noiraude
ils tiennent dans leurs mains la photo de l'enfant qu'ils aimeraient engendrer
pâle et bouclé blond
avec des petites fossettes si jolies au sourire
ni le portrait craché du père ni le portrait craché de la mère
ils marchent penchés en avant comme si un fil les empêchait de tomber
ils frétillent au moindre souffle toussent
un cabot les accompagne et renifle
ils sont sur les sentiers les pistes cyclables
ils arrachent à un arbuste un froissement de pétales
ils sont lents comme la vie est lente
comme elle passe vite.
Sofia Queiros pour Marie Tijou, février 2016